Quinze mois après le putsch militaire, l'armée garde la haute main sur la vie politique à Bangkok.
Quinze mois après avoir renversé Thaksin Shinawatra, qu'ils décrivaient comme un «premier ministre tyrannique et corrompu », les militaires thaïlandais tiennent parole : ils organisent ce dimanche des élections législatives censées permettre le rétablissement de la démocratie.
Les putschistes qui « se voient comme les gardiens de l'avenir politique de la Thaïlande » devraient cependant maintenir cette démocratie «en garde à vue» , estime l'analyste politique Thitinan Pongsudhirak. Ainsi, après avoir quitté la tête de l'armée, Sonthi Boonyaratglin a pris la direction d'un comité national d'éradication des fraudes électorales. Et, hier, la junte a fait adopter une loi draconienne en matière de sécurité intérieure qui lui permet de garder une emprise sur le prochain gouvernement.
Les analystes s'attendent à une frénésie de tractations après le scrutin pour former une coalition dirigée soit par le Parti du pouvoir populaire (PPP), pro-Thaksin, soit par le vieux Parti démocrate. Bref, le nouveau gouvernement sera faible et son espérance de vie, courte.
Les Thaïlandais ont le cafard. Ils se sentent floués. Sous couvert de dévouement, les généraux se sont en fait assurés qu'aucun parti ne dérangera plus l'élite traditionnelle le palais royal, l'armée et l'administration. Alors, la politique, la population ne veut plus en entendre parler.
Même la société civile a mis ses utopies démocratiques au placard et ne descend plus dans les rues de peur d'être accusée de déloyauté à l'égard du monarque. À une semaine du scrutin, 61% des électeurs étaient encore indécis, selon l'institut de sondage Abac.
Le coup d'État militaire du mois de septembre 2006 était «le pire des dix-neuf putschs de l'histoire de la Thaïlande moderne» , selon l'universitaire Chalong Soontravanich : «la junte qui promettait unité, stabilité et démocratie a échoué sur presque tous les fronts».
«Incompétence à gouverner»
Le pays est toujours aussi polarisé, comme l'a prouvé le référendum organisé en octobre. La Constitution a certes été approuvée, mais le texte a été rejeté par 63% des électeurs du Nord-Est, bastion traditionnel des pro-Thaksin. «Les militaires ont montré leur incompétence à gouverner» , ajoute l'économiste Ammar Siamwalla.
La junte a tout de même rempli une partie du contrat en lançant des poursuites judiciaires contre le premier ministre déchu, réfugié à Londres et sous le coup de mandats d'arrêt.
Mais « le prix que nous payons pour être débarrassé temporairement de Thaksin est trop élevé » , estime l'universitaire Thitinan. 31 des 76 provinces vivent encore sous loi martiale, notamment dans le Nord et le Nord-Est.
lundi 24 décembre 2007
Élections en Thaïlande
Élections sous surveillance en Thaïlande
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